VIAN Boris

PRÉSENTATION:

Pas question de traiter ici des mille vies de ce génial ingénieur-inventeur-trompettiste-chanteur-auteur-de-chansons-journaliste-romancier-poète-auteur dramatique-acteur de cinématographe et bien d’autres activités. On va donc se borner ici à parler de l’auteur de quelque 456 chansons répertoriées (sans compter les poèmes mis en musique), ce qui n’est pas si mal pour un monsieur qui est mort à 39 ans et pour qui la chanson est une activité qui ne l’a occupé qu’à la fin. Boris est né le 10 mars 1920 à Ville d’Avray. Il a un frère, Lélio (né en 1918). Il aura en 1921 un autre frère, Alain et en 1924 une petite sœur, Ninon. Le papa vit de ses rentes et les enfants VIAN ont une institutrice à domicile. Si bien qu’à 5 ans le petit Boris sait lire couramment et à 8 ans il a déjà absorbé presque toute la littérature française. Mais alors qu’il a huit ans, le père, à la suite de mauvais placements, est ruiné. La famille doit réduire son train de vie. Pas suffisamment cependant pour empêcher Boris d’animer les fameuses surprises-parties dans la cabane au fond du jardin. En 1942, Boris obtient son diplôme d’ingénieur mais ne croit pas à cet avenir qu’il trouve trop limité : il a envie d’apprendre d’autres disciplines. Il entre à L’Afnor et commence à écrire. Puis en 1946, il est à l’Office du papier où, contre une rémunération convenable, il n’a rien à faire : il écrit de plus belle. En 43 est publié son premier roman, Trouble dans les andains, suivi de Vercoquin et le plancton, L’écume des jours et L’automne à Pékin. En 46, c’est le scandale de J’irai cracher sur vos tombes, roman qu’il prétend avoir traduit de l’américain et pour lequel il passera en justice pour outrage aux bonnes mœurs. Depuis 42, il est entré dans l’orchestre de Claude ABADIE où il souffle dans sa trompinette malgré une grave malformation cardiaque. Ses premières chansons ont probablement été écrites en 1944 pour Jazz-hot, la revue à laquelle il collabore, pour la chorale de Paul BRAFFORT, les films de Jean SUYEUX et pour des spectacles de cabaret… Il semble bien que la toute première chanson signée Boris VIAN à avoir été enregistrée soit C’est le be-bop par Henri SALVADOR en 1950. Puis, à la fin de la même année, La vie grise, par le même SALVADOR. Mais rapidement il envisage la chanson comme un moyen d’insurrection. Alors que la France s’enlise en Indochine, il dépose le 15 février 1954 à la SACEM les couplets du Déserteur. MOULOUDJI la chante le 8 mai au Théâtre de l’œuvre et la chanson « passe » bien. En juin, Boris est reçu par la chanteuse (bien oubliée) Renée LEBAS : elle prépare un tour de chant pour octobre à Pleyel. Elle lui présente son pianiste Jimmy WALTER et les deux hommes composent ensemble une trentaine de chansons. Renée LEBAS en retient quatre : Mon Paris, Sans blague, Au revoir mon enfance et Ne te retourne pas. Boris et Jimmy font le tour des maisons d’édition et ne récoltent que des refus. Heureusement, il existe des artistes moins conformistes : Philippe CLAY enregistre Juste le temps de vivre (texte), On n’est pas là pour se faire engueuler et Rue Watt… et MOULOUDJI, outre le fameux Déserteur enregistre J’suis snob, Valse jaune et Cinématographe. Mais à cette époque, les disques se vendent peu et génèrent peu de droits d’auteur, alors chacun retourne bientôt à ses activités. Mais en novembre 54, le comédien Michel de RÉ veut monter un spectacle sur la bande à Bonnot : il demande des chansons à Boris. Parmi les nombreuses que ce dernier écrit à cette occasion, il nous reste Les joyeux bouchers (Faut qu’ça saigne), La java des chaussettes à clous et la Complainte de Bonnot. Manque de chance : le spectacle est aussitôt retiré de l’affiche. Boris va se plaindre alors de tous ses déboires auprès de Jacques CANETTI, qui lui répond : « Je ne vois qu’une solution, chantez-les vous-même ». Boris est pris au piège et le 4 janvier 55, le voilà aux Trois Baudets. Il est mort de trac et chante d’un air halluciné. Le public est mal à l’aise. Au bout de trois semaines, il veut tout arrêter. CANETTI lui rétorque qu’on ne veut pas juger un artiste sur une aussi courte durée. Alors, il continue et va même chanter ses chansons chez Pierre PRÉVERT à La fontaine des quatre saisons. La presse – à l’exception du Canard enchaîné – ne s’intéresse guère au tour de chant de Boris VIAN. Il a tout de même été vu par Georges BRASSENS et Léo FERRÉ, et par un Serge GAINSBOURG qui ne chante pas encore lui-même mais qui probablement tient de là sa vocation. Le temps est venu pour Boris d’enregistrer ses chansons. L’orchestre est dirigé soit par Jimmy WALTER, soit par Claude BOLLING. Deux super 45 tours sont publiés : Les chansons possibles (Complainte du progrès, Cinématographe, J’suis snob, On n’est pas là pour se faire engueuler) et Les chansons impossibles (Les joyeux bouchers, Le déserteur, Le petit commerce, La java des bombes atomiques). Puis on publie un 33 tours 25 cm qui regroupe les huit chansons auxquelles on ajoute Je bois et Bourrée de complexes. La pochette est agrémentée d’une dédicace de Georges BRASSENS qui a drôlement vu clair en prophétisant que, un jour l’autre, le public aura besoin des chansons de Boris VIAN. Et Boris part en tournée avec « Les carnets du major Thompson », le fameux livre de Pierre DANINOS adapté par Yves ROBERT, et Fernand RAYNAUD. Dans toutes les villes où il chante Le déserteur, Boris est pris à partie par un commando d’anciens combattants. On démonte le complot : c’était un coup monté par la maire de Dinard. En 56, Boris est contraint au repos par sa valvule cardiaque. A cette époque, l’opération en est encore au stade expérimental. Jacques CANETTI lui demande d’entrer chez Philips pour prendre en main le catalogue de jazz. Il se mêle de tout et sait bientôt se rendre indispensable. Jacques CANETTI et Michel LEGRAND, de retour des Etats-Unis, lui font écouter le rock and roll qui fait fureur dans les surprises-parties. Boris et Henri SALVADOR trouvent cette musique médiocre. Mais puisque Canetti veut du rock and roll, VIAN, LEGRAND et SALVADOR commettent en un clin d’œil quatre chefs-d’œuvre avec paroles simplistes, musiques sommaires et accompagnements approximatifs : Dis-moi qu’tu m’aimes, Rock hoquet, Rock and roll mops, et Va t’faire cuire un œuf man. Avec, bien entendu, des noms américains : Vernon SINCLAIR, Mig BIKE et Henry CORDING. Et, à la fin de l’année, point culminant du canular, Magali NOËL enregistre le rock sado-maso Fais-moi mal Johnny. Boris est devenu indispensable chez Philips : il adapte les chansons de Kurt WEILL et Bertold BRECHT. En janvier 57, il est nommé directeur artistique adjoint chargé des variétés. Il signe des contrats à des artistes jugés « peu rentables » (déjà !) : MOULOUDJI, Jacqueline FRANCOIS, LES TROIS MÉNESTRELS, Jean-Claude DARNAL, Simone LANGLOIS, Francis LEMARQUE, Magali NOËL… Mais au début de 58, pour l’éloigner de Philips à qui il propose des idées trop farfelues, on le nomme directeur artistique des disques Fontana. Il produit alors les chansons de BRUANT par PATACHOU, les chansons 1900 par Juliette GRÉCO, Philippe CLAY, Fernand RAYNAUD, Armand MESTRAL… Il invente des rockers, des faux comme Johnny ROCK FAILAIR, des vrais comme Gabriel DALAR. Il traduit les contes d’ANDERSEN et de GRIMM, qu’il fait enregistrer par les compagnies de Jacques FABBRI et d’Yves ROBERT. Et toujours des canulars : Fredo MINABLO et sa pizza musicale, l’adjudant CAUDRY et ses comiques troupiers. On ne saura jamais qui se cachait derrière ces pseudonymes. Bref, il fait dépenser beaucoup d’argent à Philips et CANETTI lui reproche de faire enregistrer surtout ses textes. Mais c’est pendant cette période qu’il collabore avec Henri SALVADOR pour le meilleur et pour le rire. Les deux compères, en trois ans, écrivent 82 chansons. Toutes n’ont pas été enregistrées mais on se souvient de Hey mama ! Moi j’préfère la marche à pied, Trompette d’occasion, Blouse de dentiste (titre exact), Ca pince, Je peux pas travailler, Le gars de Rochechouart et du fameux mambo gaulois, Faut rigoler… Et certains de ces titres arrangés, s’il vous plaît, par Quincy JONES ! En 57, profitant de son expérience dans le milieu de la chanson, il écrit « En avant la zizique… et par ici les gros sous » en espérant déplaire à Philips-Fontana. Mais la maison est flattée de compter dans ses murs quelqu’un capable de provoquer une réflexion salutaire sur le métier. A la fin de l’année 58, la chanson l’amuse un peu moins : il collabore à la page-spectacle du Canard enchaîné. La fin de sa vie est occupée par l’adaptation cinématographique de « J’irai cracher sur vos tombes ». Comme il ne parvient pas à fournir en temps utile les cent pages de l’adaptation et des dialogues, la production lui cause des tracasseries et le projet finit par lui échapper. En juin 59, un ancien collaborateur lui rappelle que le film adapté de son roman est projeté le lendemain au « Petit Marbeuf » : il est tout de même curieux de voir ce qu’on a fait de son bouquin. Il ne le saura pas : peu après le début de la projection, son cœur lâche et il glisse de son fauteuil. Dans les années qui suivent, tout le monde enregistre les chansons de Boris VIAN et parfois pour des 33 tours complets comme par exemple Jacques HIGELIN, LES CHARLOTS ou Serge REGGIANI. Et on n’en finirait pas d’énumérer les artistes qui, simplement pour renouveler leur répertoire, ont puisé dans la mine épuisable.

© Jean-Paul CHEVALLEY www.friendship-first.com / www.revue-vinyl.com

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