YANNE Jean

PRÉSENTATION:

Il a tout fait : des chansons, de la radio, de la télévision, des films comme acteur (Le boucher, Que la bête meure, Nous ne vieillirons pas ensemble) ou comme réalisateur (Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, Moi y’en a vouloir des sous, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ). Mais cet éparpillement n’est qu’apparent. Toutes ces activités avaient un dénominateur commun : pourfendre la connerie et dynamiter l’ordre établi, grâce à une intelligence très au-dessus de la moyenne et une énergie inépuisable. Le petit Roger Jean montre son nez le 17 juillet à Les Lilas. Les parents s’appellent Aimée et Jean GOUYÉ. A cette époque, Les Lilas est une commune couverte de champs, de bois et de vignes, peut-être même de lilas. André y est commerçant en tout genre, c’est-à-dire qu’il vend de tout. En septembre 1939, dès l’ordre de mobilisation générale, toute la famille se réfugie en Poitou : Aimée, Jean et les deux grands-mères. André, mobilisé, se retrouve bientôt prisonnier en Allemagne. On regagne Les Lilas en 1943. En 1945, Jean est élève au lycée Turgot d’où il est très vite renvoyé et se retrouve au lycée Chaptal. Mais ses succès se comptent surtout auprès des filles. A 17 ans, il est ébéniste dans l’atelier de son père. Bien qu’il aime ce travail, il comprend vite que son vrai destin est ailleurs. Alors il pense au journalisme. Ca pourrait satisfaire son besoin d’évasion. Il entre en 1952 au Centre de formation des journalistes. Mais il ne veut pas être journaliste derrière un bureau : il sera Rouletabille ou rien. Les débuts sont difficiles. Il fait la pige pour l’Aurore, Paris-presse, écrit des nouvelles pour l’Humanité-dimanche et même L’écho de la mode ! Et il signe tout de même une série de reportages autour du monde pour Time et Life. En même temps, il commence à courir les cabarets. Il y rencontre un autre coureur de cabarets qui a un peu plus d’ancienneté et qui lui met « le pied à l’étrier », Bob du Pac. Et lorsque le cabaret « L’académie des vins » commande des sketches à du Pac, celui-ci pense à Jean YANNE, qui ne se fait pas prier. La boîte est située aux abords des Tuileries mais on fait croire aux touristes qu’ils sont à Saint-Germain-des-prés. YANNE a compris que c’était là sa voie. Il adopte à ce moment son pseudonyme : YANNE, c’est Jean en breton. En même temps, il passe chez Attilio à Montmartre, où il rencontre Ginette GARCIN. Celle-ci partage sa chambre avec Jacqueline ALLARD, qui chante BRUANT. Ginette conseille à Jacqueline d’aller chez Attilio où il y a un gars qui fait passer des auditions. Jacqueline devant Jean qui ne l’écoute pas mais la regarde. C’est sérieux. Bientôt, Jean et Jacqueline viennent habiter Les Lilas dans le même immeuble que les parents GOUYÉ. Jean commence à déborder d’activité : il écrit le jour dans les bistrots et le soir, souvent, il improvise la fin. Car il est doué d’un exceptionnel talent d’improvisateur. Talent qui lui rendra de grands services mais qui ne facilitera pas la tâche de ses partenaires. Avec Bob et un troisième larron, Johann, Jean crée « La compagnie de la main ». Comme la compagnie récolte plus souvent des bides que des succès, Jean trouve un emploi de garçon de café au Lido. Il est renvoyé le jour où il renverse la sauce du homard sur la robe d’une riche américaine. Alors, c’est une suite de petits boulots, parmi lesquels quelques figurations au cinéma. Il apprend que Jacques CANETTI fait passer des auditions aux Trois Baudets. On joue « Allez vous rhabiller » de Jacques FAIZANT et ça marche moyennement. CANETTI demande à YANNE de placer quelques histoires dans le spectacle et… ça marche. En 1953, il est convoqué à la caserne Dupleix. A ce moment, Jean écrivait également pour la radio : « Au café du coin », une émission de Jean-Jacques VITAL avec BOURVIL. Sur intervention de CANETTI puis de VITAL, Jean est affecté près de Versailles. Au printemps 1954, CANETTI prépare un nouveau spectacle et propose à Boris VIAN de refaire une adaptation de « Ciné-massacre » qui a déjà été joué à La Rose Rouge. Comme l’un des comédiens est occupé par le cinéma, on propose à Jean YANNE de le remplacer. Puis il joue dans l’adaptation des « Carnets du major Thompson » d’après le livre à succès de Pierre DANINOS. Mais il reçoit une lettre pour passer une visite médicale car on commence à envoyer des gars en Algérie. Alors, il se présente avec un énorme colt 45 et fait dans la cour de la caserne le numéro du gars qui veut descendre un maximum d’arabes. Alors, il est catalogué « dangereux » et affecté à Vincennes au secrétariat d’un vieux général. Il est chargé de monter un dossier accablant contre André Maginot et sa fameuse ligne. En réalité, la chemise à sangles censée contenir les preuves qui feront fusiller Maginot contient les brouillons de ses premières chansons. Il écrit pour Philippe CLAY, avec qui il joue « Ciné-massacre » : La chanson de Clopin, La première chanson, et surtout La gamberge que Philippe CLAY enregistre en 1957. Chanson remarquable que Jean YANNE enregistrera plus tard, accompagnée sur le super 45 tours de trois autres chansons davantage dans le registre de YANNE qu’on connaît : La légende orientale, Conseils aux filles et La gloriole. Et Line RENAUD enregistre Mon cœur au Portugal (musique de Loulou GASTÉ) et Gwendolina (musique de Gaby WAGENHEIM). Le jour vient où il faut bien remettre le dossier au général. Celui-ci ne l’ouvre pas mais déclare que « Maginot sera fusillé ! » Et comme YANNE lui fait remarquer que Maginot est mort en 1932, le général ajoute : « Ca ne fait rien, on le fusillera tout de même ! » A la fin de son séjour, le soldat GOUYÉ quitte l’armée avec un Q.I. de 32. On est en 55 : il retrouve Les Trois Baudets où il chante Ave Maria en s’accompagnant avec un guide-chant. Lorsqu’il la chante en tournée avec DALIDA, la chanson provoque des remous. Et lorsque dans les arènes de Nîmes, il chante Le légionnaire, il doit même être protégé par la police. Au Crazy Horse, le public d’Américains est rétif à l’humour de YANNE : difficile, quand on ne comprend pas complètement le français d’apprécier un dressage de pastilles Valda ainsi qu’un sketch sur le ver solitaire. Heureusement, Bruno COQUATRIX qui l’a vu chez Plumeau l’engage à l’Olympia pour écrire une revue pour Joséphine BAKER (musiques de Marguerite MONNOT et Henri BETTI). A La fontaine des quatre saisons », il chante son Ave Maria et dit des monologues tels que : Le Pape fait des bulles grâce à Persavon. Comme il interrompt ses chansons pour parler et que ça fait rire davantage, il chante de moins et moins et parle de plus en plus. Et pour des questions de compte en banque, il retourne au cinéma et participe à des comédies comme on en faisait à la fin des années cinquante avec Francis BLANCHE, Darry COWL, POIRET et SERRAULT. A Bobino, la Galerie 55 et l’Olympia, il déplaît beaucoup mais ne laisse jamais indifférent. Chez Plumeau, il monte un spectacle avec SINÉ, Ca fait des bulles. Puis Les trois mousquetaires avec LES FRÈRES ENNEMIS. Puis, dans un cabaret de la place du Tertre, Le Pichet, il monte une revue loufoque, Pas de sucettes pour les gros vilains. Et on enregistre ses chansons : Comme le printemps (Simone LANGLOIS) et L’absinthe (Ginette GARCIN). En 1959, par l’entremise de Robert BEAUVAIS, il rencontre Gérard SIRE. Celui-ci dirige Pilote-Productions qui produit des émissions pour les grandes radios de l’époque : Radio-Luxembourg, Europe n° 1, Radio Monte-Carlo. Il propose du travail à Jean YANNE, qui peut faire ainsi ce qu’il aime : écrire. En trois ans, il écrit plus de 700 chansons parodiques. Il réalise chaque semaine avec Gérard SIRE sept émissions et six épisodes de cinq feuilletons différents (Les nouveaux mystères de Paris, Les aventures de Dick Lapointe ...) Dans l’usine SIRE, il écrit plus vite que tout le monde et, parfois, réécrit les textes de ses petits camarades s’il les juge trop faibles. Parmi les reportages qu’il a l’occasion de réaliser pour la radio, il a le privilège de rencontrer le Négus et le nouveau Président de la République du Kénya. Pour le premier, il oublie de mettre en route le magnétophone, et pour le deuxième, le Président ne veut pas parler politique mais juste jouer au croquet. Avec ses premiers droits d’auteur, il veut s’acheter une maison : mais les maigres droits ne lui permettent que d’acheter une ruine. En 60, il se décide enfin à épouser Jacqueline. Il enregistre un disque sous le curieux pseudonyme de Honzlagur POMPERNICKEL et sa dame : Suivez le veuf et Allo Sacha ? bientôt suivi d’un Allo Brigitte ? A la rentrée 61, il est à l’affiche du Théâtre Gramont : on joue Un certain monsieur Blot, encore d’après Pierre DANINOS. Et il reçoit de nombreuses propositions pour jouer au théâtre. Mais il les refuse toutes car ça ne l’amuse pas de raconter tous les soirs le même texte. Et, comme c’est la mode, il enregistre des rocks, parodiques bien entendu, sous le nom de Johnny ROCKFELLER et ses Rock child. Il reprend le fameux Je n’suis pas bien portant. En 1962, Gérard SIRE signe un contrat d’un an avec Europe n° 1 et emmène avec lui Jean YANNE. C’est là qu’ils font la connaissance de Jacques MARTIN. Maurice SIÉGEL, patron d’Europe 1, a l’idée d’associer les trois et le cocktail est explosif. Leurs principales cibles sont la direction de la station, l’armée, le clergé et… tout le monde. Les émissions ne sont pas préparées : les trois compères arrivent devant le micro et improvisent. L’émission déclenche autant d’enthousiasme que de lettres d’insultes. A partie de 1963, Jean YANNE joue de plus en plus au cinéma : La vie à l’envers d’Alain JESSUA, La femme-spectacle, un des premiers films de LELOUCH pour lequel il a écrit les chansons. Il commence à gagner de l’argent et aussi à avoir des ennuis avec les huissiers. Europe 1 remercie bientôt Jacques MARTIN, qui s’en va à Radio-Luxembourg. YANNE le suit bientôt. Les deux affreux jojos y organisent une course cycliste dans laquelle Blücher et le duc de Wellington battent Napoléon au sprint. L’émission est bientôt suspendue, pour compression budgétaire bien entendu. Jean YANNE ne chante plus ses chansons en public mais continue d’enregistrer des disques. En 1964 : Si tu t’en irais, parodie des chansons d’amour malheureux, Pourquoi m’as-tu mordu l’oreille ? parodie des chansons de Charles AZNAVOUR, L’eunuque (sujet qui devait bien finir par l’inspirer) et Mon cher Albert, ode aux amours homosexuelles. La même année, il écrit deux chansons pour Hector, le « Chopin du twist », qui arrivait à l’Olympia en corbillard : Je vous déteste et T’es pas du quartier. Et une autre pour Ginette GARCIN, La médication de Thaïs, dont le texte est une énumération de molécules pharmaceutiques. Un autre super 45 tours en 1965 avec – enfin – Ave Maria et ce qui est probablement la chanson la plus immonde de toute l’histoire, Camille. En 1966, comme plusieurs autres chanteurs, il parodie les « Elucubrations » d’Antoine avec Les revendications d’Albert et Les émancipations d’Alphonse. Et en 1967, il enregistre trois sketches célèbres avec Paul MERCEY et Lawrence RIESNER : Les routiers, Le permis, La circulation. Dans les années qui suivent, il est de plus en plus accaparé par le cinéma, où il se révèle un excellent comédien : Erotissimo (Gérard PIRÈS – 1968), Le boucher (Claude CHABROL – 1969), Que la bête meure (CHABROL – 1969), Fantasia chez les ploucs (PIRÈS – 1970), Laisse aller c’est une valse (LAUTNER – 1971), Nous ne vieillirons pas ensemble (PIALAT - 1972) pour lequel il reçoit un prix à Cannes. En 1972, il passe à la réalisation et écrit les chansons de ses films. D’abord, il écrit les chansons de Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, en 1973 celles de Moi y’en a vouloir des sous, en 75 celles de Chobizenesse et en 82 celles de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ. Jean YANNE nous a quittés le 25 mai 2003.

© Jean-Paul CHEVALLEY
www.friendship-first.com & www.revue-vinyl.com

YANNE Jean

Filtres actifs